Faut-il agir alors que peuple n’a pas encore le niveau requis ? (de conscience / niveau démocratique / niveau d’éducation)

Réponse de Rémy DW : « Il m’est souvent fait cette objection: je procéderai à l’envers. Il faudrait d’abord que le peuple soit à niveau (démocratique, éducatif, citoyen…) avant de songer à une insurrection ou autre coup d’Etat. Le renversement ne marcherait pas, disent ces personnes, si la population n’est pas suffisamment éduquée. Ces personnes ajoutent souvent que le niveau s’écroule.

J’ai déjà répondu que ce principe est faux. Que d’abord, si l’on attend que le peuple ou même une fraction du peuple soit éduqué en conséquence, on pourra attendre 300 ans. D’ailleurs, ces personnes disent elles-mêmes que le niveau s’écroule: sans changement de matrice, il n’y a pas de raison que la tendance s’inverse. Dans dix ans, le niveau sera encore plus bas. En quelque sorte, ils disent: « Le Titanic sombre, il faut se dépêcher de relever le niveau de l’équipage et réparer le navire, ensuite seulement on envisagera de se transborder ». C’est évidemment absurde: si le navire coule, c’est qu’une masse inarrêtable entraîne le navire par le fond. Et l’éducation générale d’un peuple est une masse cent mille fois plus lourde qu’un Titanic. Ce genre de raisonnement fait des milliers de noyés. Plus vous attendez, plus les dégâts seront élevés. Et c’est exponentiel. En 2027, la situation sera deux fois pis que celle d’aujourd’hui, avec deux fois moins de libertés pour agir. L’euro numérique entre autres vous assure d’être totalement fichés. L’augmentation des prix va encore réduire vos moyens. Vous discutez alors que vos jours sont comptés. Dans Reinhardt Tarkand, il y a ce passage où Reinhardt met en garde l’un des hauts-lamas, à Lhassa, en 1938 :

Le religieux reprit, en baissant vers lui la tête, le regard scrutateur :
— N’êtes-vous pas étrange ?
Reinhardt baissa à son tour la tête et rendit exactement le même regard :
— Ce qui est étrange, c’est que nous bavardions tranquillement.
— Pourquoi ?
— Parce que vos jours sont comptés. C’est cela qui est étrange.

Par ailleurs, penser que le niveau d’éducation engendre l’action juste est une pure vision car en réalité, c’est davantage l’action juste qui engendre l’éducation. L’Histoire a montré que même des barbares ont pu générer des sociétés saines, ce fut le cas de Clovis et de ses soldat analphabètes et coupeurs de tête, justement conduits par saint Rémy et l’Eglise. Les bolcheviques n’ont pas attendu que la population soit communiste pour agir non plus. Et il s’avère a contrario que plus la population est éduquée, plus elle est passive parce qu’elle est davantage acquise à sa tranquillité et aux idées confortables. Au XXème siècle, on a vu systématiquement que plus le niveau d’éducation s’est élevé, moins l’individu a eu le goût de l’action (il a certes développé le goût de l’agitation frénétique ou de loisir, mais cela ne résout pas la question). L’éducation monte aussi vite que chute l’action. Le diplômé n’a pas le goût de la charrue ou du travail manuel, on a parfaitement vu que les universités et les écoles ont développé un mépris du travail manuel et des savoir-faire au profit d’une sapience abstraite. On a fait du diplômé à plus savoir qu’en faire. Dans le grouillot politique, un seul acte fait trembler tout l’édifice. Ainsi, quand j’ai fait ma grève du froid devant Molex, toute l’assemblée nationale, tous les médias en ont parlé et se sont agités. Sans compter que les ouvriers de l’usine voyaient pour la première fois un « politique » mouiller la chemise (si je puis dire), d’où un soutient à ma personne qui ne s’est jamais démenti depuis.

L’action surclasse le meilleur discours, c’est ainsi. De même qu’une image vaut mieux que des mots, une action vaut mieux que l’image: c’est une image animée avec un sens.

Plus le pays est fruste, plus au contraire il en arrive à l’action (et je ne prétends pas dire ici que l’action est toujours juste).

Par conséquent, cette idée est fausse. S’il reste 20.000 Français suffisamment cultivés, il s’agit qu’ils produisent l’action juste, au bon endroit, au bon moment et avant qu’il ne soit trop tard. Ceci sera le déclencheur d’un nouvel état d’esprit, cela sera un choc dans les consciences et créera une émulation. Si un groupe entrait à l’Elysée et proclamait la fin de 480 impôts et autres joyeuses nouvelles, même vous, vous applaudiriez tous ! C’est l’action qui génère la mobilisation, et donc la conviction, plutôt que le niveau d’éducation.

Si vous vouliez un autre exemple, je vous dirais qu’aucun de mes discours en faveur de la dépollution n’a eu autant d’effet que les opérations de ramassage que j’ai organisées. »


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