Rémy a invité Pierre Hillard et Arnaux Dumouch à un débat. Pierre Hillard a commencé par refuser en expliquant qu’il ne souhaite pas discuter avec Arnaud Dumouch « en raison de son manque de rationalité », expliquant que « Vatican II est un échec patent ».
Rémy lui répond ainsi :
Bonjour Pierre,
si je fais la démarche, vous me ferez l’honneur de considérer que je ne vous suggère pas un débat irrationnel, afin que vous vous évitiez de vous donner l’air de me faire offense.
Là où vous pourriez avoir raison, c’est que les raisons que vous exposez, parfaitement établies, ne se retrouvent pas chez Arnaud Dumouch. En revanche, les siennes ne se retrouvent pas chez vous. Et pour cause: vous ne vous exprimez pas sur le même registre. Vous êtes sur deux plans différents qu’il serait vain de confronter, c’est ce que j’expliquais à l’amie Marion (Sigaut).
Si vous pouvez avoir raison sur le plan de la politique vaticane et des intrigues, il peut avoir raison sur le plan théologique.
Or, on ne demande pas à un historien ou essayiste de faire de la théologie, ni à un théologien de faire de l’Histoire. C’est surtout ce que je ne souhaite pas.
En revanche, si chacun de vous vous déportez légèrement, il y a un point de rencontre possible et c’est là que le débat devient pertinent. Ce serait sur le plan métareligieux, sur la métaphysique de nos temps, voire l’eschatologie.
Où allons-nous, si l’on sait lire les événements ? Vos deux publics se trompent. Ils se trompent en vous écoutant. Cela, parce que vous ne dites pas tout ce que vous devriez dire, l’un et l’autre, et que vous n’allez pas au bout de vos travaux. L’un et l’autre, vous dites « Je l’ai pourtant dit », comme si un paysan pouvait dire: « L’année dernière, j’ai déjà récolté les cerises, je n’irai donc pas cette année ». Vous n’avez pas fini le travail. Le risque est qu’il plafonne quelque peu. Vous pouvez consacrer votre vie à détailler la manière dont un gang opère, vous découvrirez sans doute mille autre choses, mais ça ne change rien à l’affaire: la perspective est manquante. Tout cela contribue-t-il à un plan et lequel ?
Il y a un moyen certain de tuer votre vitalité d’écrivain, c’est de vous faire plancher sur un énième sujet calamiteux de la subversion au sein de l’Eglise.
Il s’agit de considérer sur quel plan métareligieux Vatican II faillit, et si cela ruine complètement ce que le Christ disait par ces mots: « Les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre Elle » (Matthieu 16.8). Dire qu’Il s’est trompé est impossible. Donc, que cela signifie-t-il aujourd’hui, maintenant que nous avons cette clique aux commandes et par ailleurs une Eglise de l’opposition paralysée, perdant chaque jour son esprit de conquête (tel que nous avons pu le connaître au Barroux dans les années 80) ?
Pour ma part, j’ai la réponse et j’ai tenté de vous la communiquer.
Les catholiques sont sur le recul et, malgré vous-même, malgré Arnaud Dumouch, vous y contribuez.
Le pillage d’un monastère ne change pas sa vocation première. Le changement de vocation d’un monastère arrivant tout de même, cela ne prouve nullement que Dieu n’agirait plus par son moyen, en se servant de ce dévoiement. En outre, cela implique que l’Homme, convoqué par ce sort funeste, prenne des dispositions qui ne le rejettent point dans l’abattement et l’inactivité.
Ni l’un ni l’autre en fait n’avez fouillé les perspectives en tenant compte des réalités présentes. Lui pose des perspectives sans les réalités, et vous des réalités sans les perspectives (ou si vous le faites, c’est bien trop peu car il s’agit de ne jamais quitter l’Espérance).
Vous voyez bien où est la béance et où se trouve le champ d’expansion.
Sur le plan de l’eschatologie, vous êtes en réalité d’accord, ce que ni l’un ni l’autre ne savez. C’est un point de départ. Reste à savoir exactement ce qu’il advient des catholiques, du Salut, et donc des voies qui y mènent sur vos deux plans respectifs.
Vous n’êtes pas en train de professer un nouvel élan, ni l’un ni l’autre. Vous, parce que vous faites le constat d’une catastrophe, lui parce qu’il ne dit pas d’où l’on part.
Arnaud Dumouch ne nie pas le moins du monde la réalité que vous dites et qui nous intéresse tous. Mais il se trouve que les conclusions qu’on en tire généralement sont fausses. Les catholiques sont dans le désarroi, redoutant une vision « d’enfer ». De son côté, ils sont dans l’expectative, puisqu’on a l’impression que tout s’arrange très bien dans une vision presque « bienheureuse ». Vos deux publics se trompent.
Je vous ai dit, la dernière fois où nous nous sommes rencontrés, là où il y avait un manque dans votre propos. Vous n’en disconveniez pas, mais sans développer. Ce serait le moyen de le faire. J’ai dit pareillement à Arnaud Dumouch là où il était trop court. Il agrée, s’apprêtant à faire l’effort nécessaire.
Considérez que le public est très dépourvu et fuit l’Eglise, ou se réfugie dans la réclusion théiste, fataliste. Les catholiques attendent que le Ciel s’ouvre et que Dieu agisse. Or, ce qui nous intéresse tous, c’est que nous nous en sortions et que les catholiques soient mobilisés. Ce ne sont pas les religieux qui ont à nous imprimer l’élan de ce point de vue-là.
Vous êtes sous une avalanche de travail, mais je vous dis ce mot simple: un grand homme n’est pas le nez dans ses dossiers. Il est sur le qui-vive. Des réponses vous sont apportées, et faute d’y jeter un œil, vous aller consacrer encore des décennies à des choses déjà résolues.
Je dis à Arnaud ce que je dis dans l’un de mes livres:
« C’est dresser vers le ciel des bras vainqueurs et pas un regard vers la terre, c’est se hisser soi-même dans l’Histoire et laisser les siens dans l’obscurité, c’est embrasser la lumière et les laisser dans le noir. »
Et à vous, je dis:
« — Tout le temps que nous étions dans les bruits et l’obscurité du monde, le Ciel était ouvert. »
Je vous propose éventuellement d’animer ce débat afin qu’on évite le langage de sourds.
En tout état de cause, vous n’avez pas le choix. C’est votre devoir. Vous avez un public qui doit être éclairé de ces perspectives. Vous ne pouvez en rester à désespérer les foules, malgré vous-même (car je sais bien que tel n’est pas votre désir). Regardez bien ce que vous disent vos lecteurs. A plus de 95%, la vertu théologale d’espérance est pour ainsi dire détruite en eux.
Rémy D. WIEDEMANN
PS: puisque vous aimez les sources, le livre que je cite est celui-ci: https://d-wiedemann.com/livres/reinhardt-tarkand-trois-tomes/
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